Trio No. 1
« Il n’est que de jeter un coup d’œil sur ce Trio et toute la misère de l’existence s’évanouit comme par enchantement » confie Schumann. Pourtant, en 1827, la « misère de l’existence » tenaille cruellement Schubert. Sa santé se détériore rapidement. Mais l’amitié et l’urgence impérative de la création semblent lui conférer un indestructible talisman.
Trois musiciens dont son ami Carl Maria Bocklet, pianiste virtuose, viennent de s’associer. Schubert leur offre le trio avec piano en si bémol majeur « gracieux, confiant, virginal (…) empreint d’une rêverie pleine de béatitude, tout palpitant de sentiments noblement humains »*.
Pourtant, au cœur de cet ouvrage animé, coloré, l’inquiétude dont Schubert ne se départit jamais devient, dans l’andante, véritablement poignante.
La création de cette œuvre, d’une mystérieuse vitalité, a pu avoir lieu quelques mois avant la mort de Schubert en concert privé, chez l‘indéfectible organisateur des « schubertiades », Josef von Spaun. Elle deviendra l’une des plus célèbres du compositeur.
*Citation : Robert Schumann
Trio No. 2
Schubert compose cette oeuvre en 1827. Son éditeur lui demande à qui il veut la dédier. « A personne », répond-il « sauf à ceux qui y prendront du plaisir ».
Quelques semaines avant de mourir il en entend l’exécution publique lors d’un concert à Vienne. Parmi les 997 œuvres qu’il a composées, le trio en mi bémol majeur aura été l’une des rares à être donnée en public. Mais cette soirée n’obtient aucune attention de la critique toute absorbée par Paganini, la grande star du moment, qui brille de tous ses feux ce même soir du 26 mars 1828 dans la capitale autrichienne.
Libre de toute contrainte, Schubert est le premier musicien à assumer seul sa vocation de compositeur. Ni mécène, ni commandes. Il n’écrit que pour lui et ses amis qu’il retrouve en réunions privées, ces « schubertiades » où tous attendent ses nouvelles compositions et les jouent avec enthousiasme.
Schubert porte en lui depuis son enfance un « sentiment tragique de la vie ».* Le trio en mi bémol majeur, comme toutes ses œuvres, est traversé par cette conscience simultanée de la vie et de la mort qu’il rend particulièrement perceptible dans l’andante con moto du trio. La phrase introductive du violoncelle y est bouleversante comme un lever de soleil dans un ciel incertain. L’univers de Schubert est là, tout entier : clair, obscur, tendre, angoissé, beau dans ses extrêmes confrontés.
*Citation : Miguel de Unamuno